LETTRE AUX TUTEURS

Monthureux-sur-Saône, le premier décembre 2009,
Objet : demande d’une autorisation spéciale pour la diffusion d’images représentant les personnes résidant à l’EPISOME de Monthureux-sur-Saône. Projet réalisé dans le cadre d’une commande publique émise par le Conseil Général des Vosges auprès de l’artiste plasticienne Marie Bouts.
Bonjour Madame, Bonjour Monsieur,
Je me tourne aujourd’hui vers vous parce que vous êtes la tutrice ou le tuteur de l’une des personnes avec qui je travaille, à l’EPISOME de Monthureux-sur-Saône.
Vous n’êtes certainement pas sans savoir que 28 résidents ont perdu la totalité de leurs biens lors de l’incendie qui a emporté deux ailes du foyer, le 20 mai dernier. A la suite de cet événement douloureux, qui a profondément marqué tous les usagers de l’EPISOME, le Conseil Général des Vosges, désireux de substituer au processus de destruction l’amorce d’un renouveau, a imaginé une association entre l’EPISOME et un artiste plasticien. C’est ainsi que depuis le mois de septembre, je travaille avec la ou les personnes dont vous êtes tutrice/ tuteur : je recueille les souvenirs, je reçois les récits du présent, je rencontre la communauté telle qu'elle s'est réorganisée depuis l'incendie.
Le processus que j’ai engagé avec les résidents est un processus lent, fondé sur le lien, sur l’écoute. Il s’agit avant tout d’une rencontre, entre eux et moi. Je concentre mes séjours dans des durées d’une à deux semaines, pendant lesquelles je me rends quotidiennement à l’EPISOME. Lors de ces visites, je photographie, je dessine, je m’entretiens avec les résidents (entretiens enregistrés) : ils me parlent de leurs vies, de leur quotidien, par des mots, des sons, des gestes, des musiques.
Chaque photographie que je prends, chaque dessin que je réalise, chaque parole que j’enregistre sont des captations consenties. Les appareils (microphone, appareil photographique) sont toujours visibles, et même signalés. Chaque fois que cela est nécessaire, je réexplique les raisons de ma présence, avec des mots simples. Les résidents ont la possibilité d’écouter leurs voix (au casque) quand je les enregistre, de regarder les photos que j’ai prises, et de me dire si elles leur plaisent ou non : ils ont leur mot à dire, concernant leur image. Je communique périodiquement mes recherches à Maryse Moreau, qui représente le Conseil Général, et à Monica Deflesselle. Ensemble, nous décidons des orientations du projet.
Dès l’origine, les personnes qui travaillent à l’EPISOME, Madame Deflesselle et Monsieur Mytych en tête, en leur nom et au nom des résidents, ont témoigné de leur désir d’ouvrir le foyer vers l’extérieur. Je me joins à eux pour porter, vers le dehors, avec ma sensibilité et mon savoir-faire, l’histoire collective que les résidents me confient.
Aujourd’hui, après trois mois de travail, voici ce qu’il en est : je souhaite réaliser un diaporama (son et images) à partir du matériel photographique et sonore collecté sur place. Je souhaite raconter la vie au foyer, transmettre les paroles, précieuses, que me confient les résidents. Être soi-même, posséder des biens, avoir conscience du temps, de l’espace, vivre avec les autres, être beau, être « stylé », être reconnu pour ce que l’on est : voilà ce que j’entends et voilà ce dont je veux parler, dans ce diaporama.
Pour construire ce récit, je souhaite utiliser des photographies et des
extraits d’entretiens qui m’ont été accordés par la ou les personnes dont vous avez la responsabilité : pour cela, j’ai besoin de votre accord. Il s’agirait là d’une autorisation exceptionnelle, qui ferait l’objet d’une convention entre le résident, moi-même et le Conseil Général des Vosges, pour ce projet spécifique.
Je joins à cette lettre une copie de mon CV : à ce jour, j’ai réalisé de nombreuses pièces (fresques, expositions, performances) et publié plusieurs livres sur le même mode (immersion dans des communautés particulières, pour en transmettre l’histoire). J’ai travaillé en 2007, 2008 et 2009 avec le Conseil Général des Vosges sur un projet de recueil d’histoires auprès des résidents de neuf maisons de retraite (voir le livre Pays). Si vous désirez en savoir plus sur mon travail en général et sur ce projet en particulier, je me tiens bien évidemment à votre disposition.
En espérant que vous serez sensibles à cette demande et dans l’attente de votre réponse, veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Marie Bouts

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