COMPTE-RENDU OFFICIEL N°1

Madame, Monsieur, qui prenez part à l’aventure qui se déroule, en cette fin d’année, à l’EPISOME de Monthureux-sur-Saône, veuillez prendre connaissance du compte-rendu qui suit.
Pour mon premier séjour sur place, je me suis rendue au foyer le lundi 12 octobre, et j’en suis repartie le vendredi 23 octobre 2009. J’y ai passé onze jours J’y ai pris mille cent quinze photographies J’y ai enregistré cinq heures et demie de son J’y ai réalisé une douzaine de portraits dessinés J’y ai écrit des pages et des pages de mots.
Les personnes qui travaillent dans ce lieu m’ont accueillie avec un respect non dénué d’une certaine curiosité pour ce que je venais y entreprendre, bardée de matériel de captation (matériel de dessin, de photographie, d’enregistrement sonore). Les résidents, qui habitent ici, m’ont accueillie avec chaleur : ma présence semblait immédiatement acceptée et évidente.
Après une visite rapide des lieux en compagnie de Madame Deflesselle, la chef de service, j’ai immédiatement pris la place que j’allais conserver tout au long de mon séjour : ni résidente, ni soignante, ni éducatrice, mais une interlocutrice et une observatrice attentive de la vie à laquelle je prenais soudainement part. Chaque fois que cela me semblait nécessaire, je me présentais, j’expliquais les raisons de ma présence ici, avec les mots les plus simples possibles : « je viens, je dessine, j’enregistre, je photographie, j’écris, pour raconter l’histoire de la vie du lieu après l’incendie. »
Les jours qui ont suivi cette première rencontre se sont déroulés, identiques, routiniers dans leurs structures globales, extraordinaires et inattendus dans leurs détails. J’arrivais généralement au foyer entre 9h30 et 10h, pour en repartir entre 14h et 17h. A midi, je mangeais avec les résidents (la première semaine au premier service, la seconde semaine au second service). Le soir, je dressais un bilan minutieux de ce que j’avais vécu la journée, je triais mes photos et réécoutais les enregistrements sonores afin de préparer, autant que faire se peut, la journée du lendemain. Il s’agissait aussi pour moi de commencer à tracer des lignes de fuites, dans l’optique de la production artistique à venir : rassembler le signifiant, imaginer les formes.
Chaque jour, je venais dans une double dynamique : suivre quelques pistes (rencontrer untel, photographier tel type de choses, par exemple), et laisser les résidents me guider. Cette disponibilité d’écoute, de regard, d’attention, cette ouverture pour être touchée, cette tentative pour aller à leur rencontre, collectivement et individuellement a été un travail véritablement éprouvant et bouleversant, autant sur le plan de la pensée que sur le plan émotif, physique et psychologique. J’en sors renouvelée, grandie, mais aussi un peu plus consciente de la condition humaine, de la solitude, la détresse – une condition que consciemment je partage. J’ai aussi passé des moments très joyeux, malicieux, festifs, j’ai rencontré des personnes auxquelles je me suis attachée.
Mon rôle n’a peut-être pas été tout à fait compris, mais ma place été très rapidement ressentie. J’étais là, et j’avais le temps. Alors, on venait me trouver pour que je réalise un portrait dessiné, photographique, sonore. On venait me trouver pour me raconter une histoire, l’histoire du feu, l’histoire du jardin, l’histoire de Lothaire, l’histoire du pays d’origine, etc. Le besoin d’être écouté et d’être regardé a créé des situations de rencontre très pudiques et pourtant sans masque. J’ai fait extrêmement attention à ne rien « voler » : chaque photo est une photo consentie, de même que les dessins et les prises sonores. Quand j’ai pu le faire, les personnes enregistrées, dessinées, photographiées ont vu les images et entendu le son de leurs voix. C’est dans cet aller-retour que se construit le projet.
Ainsi la matière collectée s’amoncelle.
A l’issue de la première semaine, j’ai fait une présentation du travail en cours, auprès des membres du personnel. On comprend toujours mieux les interventions artistiques en images. Après un rendez-vous de mi-séjour avec Maryse Moreau et Monica Deflesselle, nous avons mis en place des situations d’entretien en trinôme : un résident, son référent parmi les membres du personnel et moi (avec micro et appareil photo). Ainsi, chaque personne dispose d’un espace et d’un temps pour raconter son histoire.
Récapitulons les objectifs des uns et des autres : - pour le Conseil Général : recueillir et restituer les mémoires des résidents - pour l’EPISOME : sortir du foyer (vers le village, vers l’extérieur, vers le monde) - pour Marie Bouts : raconter une histoire collective du lieu OBJECTIF 1, RECUEIL D’HISTOIRES : Les entretiens en trinôme permettent de recueillir les histoires de vie. Ces histoires seront restituées aux résidents sous la forme d’œuvres d’art individualisées (une œuvre par personne), encadrées, signées. OBJECTIF 2, SORTIR DU FOYER : Ces œuvres seront remises publiquement aux résidents. Pour ce faire, et dans la mesure du possible, je solliciterai le concours d’élus locaux, pour l’inauguration et la remise publique des œuvres, à Monthureux-sur- Saône. Je souhaite que cet événement soit associé à une exposition du travail réalisé. OBJECTIF 3, UN RECIT DU COLLECTIF : je travaille à la réalisation d’une œuvre narrative, en son et images, qui fera le récit de la vie au foyer.
Pour poursuivre le travail, j’ai prévu de scinder en deux parties mon temps de présence à Monthureux : je compte m’y rendre une semaine fin novembre 2009 et une semaine début janvier 2010. Ces temps de présence seront entrecoupés de temps de réflexion, de travail et de production à mon domicile.
En vous remerciant de votre attention et en vous souhaitant une bonne continuation, Cordialement, Marie Bouts


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